Le Testament du Gentil Cossoys

David Baird Smith, 1920



Puisque mon gaich et tout mon pontement

Laty rompre voy bin que ma col cas

Moy l'aury fait ung belle testament

Tantost moy mesm Dieu plaist que moy trespas

Vin sa, couri, pry vous petit compas

Ma l’ordonnas car l’esty grand malad

Preny papier, crivy cela moy pas

Ma cueur ja pens mory tant l’esty fad.


Item premier a Diou et Nostre Dam

Sainct Michel l'Anch et Sainct Trignen de Cos

Moy recommand tout entier mon povre am

Et seroit y encor vingt foys plus gros

Quand mort prent moy, faity ung bon grand fos

El chimetier resabz de la glis

Et la me couch tout du long de ma dos,

Bin a mon ais comme sera de guis.


Mon secuteur vostre vous me bon prest

Chanty de mes tout la jour hardement,

Quand quelque chos de bon couraich me pres

Moy tout vous rend la jour dil jugement.

Mon grand courrach, sallad et billement,

Pour vostra corps garde bin de larrons

Quarante ens plus vault ung foys vraiement

Moy donne vous avecque mon perons.


Mon brigandin, gratebras et sallad,

Dag, javrelin, albard et gorgery,

Donne a ma paich sert moy sain et malad

Bin congny ly que laty grand marry

Quand ma courtault de son morb la gary

Moy monte luy comme ung petit Sainct Georch,

Mais il a ty ung grand curagery

Menge farsin par tout jusquez son gorch.


Moy les aussi une bell heritaich

A mon parens, barbis, beuf, vach et veaulx

Fait comme il veult entre luy ung partaich

Tout pellemel preny pore et bouveaux

L'erbe de prez pour menge la chevaulx,

Gransch, massons, couvri tous de festus,

Tappissery, vais d'argent et joiaulx,

Moy donne tout, laty bin revestus.


Item j'ordon j'auri six torch de chir,

Deux gros chandel acusson de mon arm,

C'est par amour le bon roy nostre sir

Que j amery grandement par mon arm

Ung cu de gueul tout seme de gros larm

Et une cueur navre de fleich ou dard

Pour monstrere que j'aty bon gen d'arm

Dessus mon fos planty une tandard.


Moy ne veult moy sonnery me tempest

La choch il est in bones ung trop grant tail

Mais je jorry sonner yn grand trompet

L'est ad vis moy que j'entry en batail.

Ma compaignon qui n'aury plus chinquail

Qui l’et cassé de tout saich moy veul

Ploury bin fort ou de tot ou de tail

Ma paich et luy faity trestous la deul.


Tout bon Cossoys je cuid se trouvery

Myner ma corps avec son sepultur ;

Bel ocqueton carchy d'orfavery

Vien deux et deux com Paty bon droictur ;

Qui aury fam ni soif pren son pastur

Maiz que pour moy dit ung beau profundis :

Se my parly a Diou par avantur

Moy pry qui vien trestout en paradis.


Couury dity une belle raison

Tout continent que moy vient à lesglis

Mess et vagil, psaultier et crie l’oyson

Chanty bien ault dung bon voix sans faintis

Le chantre a dit de music gros assis

Ung mess à not tantost sy ly plaira

Moy donne à eulx ung bouteil fort exquis

Tout plain pocras pour chante labara.


Item moy veult qu'on fait ung beau donné

Vin plain de pot a cule de potaich

A court ouvert mason bin bandonneé

Veult bin chacun tout vivre davantaich.

Mon rob, pourpoint, chaus, ouseaulx

Mon troussemen, arc, pantoufl, brodaquins,

Tot la livre par la main de ma paich

A l'ôpital pour vestir la coquins.


Ainsi moy pas mon testamen sans mocq,

Et ne vouly qu'il a point de rabat;

Tout testement d’ aultreffoys je révocq,

Tendez-vous bin, que person n'a debat.

Cryvry, brouyly, tout signy de mon pat

Presens ma paich qui ne ‘est pas bin ais

Quinz en fevrier quand y couri pour dat

Mil quatre cens quatre vingt xvj* et traiz.


Mon terrement laty bin ordonné

N'atendre plus vivre el mon, jour ny heur

Puysque fortun tient moy pour bandonné

Va Jehan de Cos, c'est bin fort que toy meur

Ne parly plus, ne faity plus d' honneur

Vous est cassé et de gaich et de dam

Ja prens vault mieulx pour pontement meilleur

Te rens à Diou da bin, da corps et d’am


Adieu le prins gorrieux et mon mignon,

Adieu mon dam, adiou mon marmouzel,

Adieu l’archiez, capetain, compaignon,

Adieu le paich, adieu fil et pucel,

Adieu bon gens, adieu celuy et cel

Qui nourrit moy quand laty en la guerr,

Adiou trestout le bon vii et castel,

Adieau fourrieux, mon logeon est en terr.


Adiou par tout nobe royaulm de Frans

Adiou comman le povre pals de Cos

Moy vient tantost prendre ma corps par trans

Et si n'aury horion, plaie ne bos,

Et non pourtant ne fault porter l’endos

Dont moy pry vous que une belle paraf

Tout vis vif l’autre costé mon fos

Contry ung mur crivoy moy cest pitaph :


L’Epitaph

Le fleich de mort qui tout horn desnatur,

Dont sa vivant une foys fait hommaich

Et fault qu'il rend tribut à dam natur

En despouillant tout sa dun et plumaich,

Couchy davant tout plat, dont c'est damaich,

Ung gentil horn Cossoys soubz ceste lam

Dont ung chandel encontre quelque ymaich :

Pry Dieu trestous pren mercy de son am.


Belle, plaisant, mignonne pourtraictur

Ault il estoit, gorriere de corsaich

Vous dit que e'est droit ymaich en painctur

Cest grand ydeur comme fut il bin saich

Pour garderi tousjours quelque passaich

Fort ardement ou ne laity pas am

Sur tot Cossoys ly saury bin Pusaich.

Pry Dieu trestout pren mercy de son am.


Oncq son vivant fit tort à creatur

Dessoubz la champs pour vivre davantaich

Tant seulement s'il trouvry davantur

Poul ou chappon que Paury pris son paich

Gard corps la rayson temps non pas grand aaich

Laty devot a Dieu le Nostre Dam

Sept piedz de terr Pa choisy pour partaich

Pry Dieu trestout pren mercy de son am.


Prins, Jehan de Cos demory pour hostaich

Vaquez la vers que tout son corps entam

A fin qu'il ait à sa propre heritaich

Pry Dieu trestout pren mercy de son am.