La passion de Notre Seigneur selon St Jean en Langage Negre
Marie-Christine Hazaël-Massieux, 2008
Pour une meilleure lisibilité de ce texte, qui date vraisemblablement de la 2e moitié du XVIIIe siècle, nous avons introduit des "majuscules" en début de phrases et pour les noms propres, conformément à l'usage moderne : le lecteur pourra ainsi lire ce texte sans trop de difficulté ; cependant nous avons, pour tout le reste, respecté l'orthographe originale (marquée en partie par la tradition française, mais qui permet également de déduire certaines prononciations du créole représenté). Ce texte a été publié pour la première fois dans la revue Etudes Créoles, vol.XVII, n° 2, 1994, après le décès de Guy hazaël-Massieux qui avait commencé à préparer ce texte. Il a depuis donné lieu à plusieurs articles et commentaires. La publication originale respectait scrupuleusement le manuscrit, mentionnait même les changements de page, et était accompagnée d'une traduction en français, ainsi que de notes et de commentaires de Guy Hazaël-Massieux, complétés de quelques indications données par Marie- Christine Hazaël-Massieux. On se reportera à ce texte pour toute analyse scientifique pousséée.
Dans tems la, comme jour Paque té proche, tous peres jouifs la ïo tous faire complot pour quiember Jesi : mais ïo té bin barassés. Ïo té dire, comment nous va faire ? Si nous faire touyé li dans tems grand fête comme ça, tout moune va lévé la sous nous pour prendre pati pour li... Jour la Jesi té la case ïon bequié qui té tini pian, ïo té crié li Simon ; comme ïo té qu'a mangé lentour table, ïoune femme vini entré : li té tini dans main a li ïon grand coui plein liquier qui té senti bon tant comme dio bequié coutimé metté dans pitit bouteille dans poche ïo. Liquier la té couté gros lagent, vrai... femme la, moi dis vous, prend liquier la, zetté la sous tête Jesi : avla tous zapotes la ïo toutes levés la sous femme la... vini mire ; ïo babiyé li ; ïo tous dire, qu'a faire li gaspiyé gros lagent comme ça ? si li té pas té mieux prend lagent la, séparé li baye pauvre moune ? Jouque tant Jesi té obligé prend pati pour femme la. Li dire ïo... quitté pauvre femme la tranquille... qu'a faire zottes babiyé li ? ça li faire la li pas bin donc ? mafouinque tout pas tout outi zottes va palé ça, zottes va songé moé toujours. Pendant ïo té qu'a palé comme ça, ïon camarade dans mitan ïo tous la té dis faire macé avec peres jouifs pour quiember Jesi bas ïo cous. jour la té {fête} la veille grand fête la : tous zapotres la ïo dire a Jesi comme ça... maite, outi vous vlé nous couit pitit mouton la pour vous manger jour Paque ?... Li dire ïo comme ça : zottes allé dans bourg, tendéz ; zottes va contré ïon moune qui qu'a poté ïoune calbasse dio dans tête li, zottes va souive li jouque tant li entré dans case, tendéz ; zottes va mandé li... Outi maitre case ? Zottes va palé comme ça, tendéz ; dire li... Maite nous di vous comme ça : outi chambre la pour li mangé pitit mouton Paque avec zapotes li ? Dret li tendé ça, zottes avec maite case la vini, montré zottes chambre qui tout prête. Lors la zottes va dire li comme ça... Vous n'a qu'a boucanné pitit mouton la tout prêt. Ïo palé... parole la faite, agué, ïo prend chimin dret comme Jesi té palé ïo. Comme ïo rivés comme ça, ïo trouvé bequié la ; ïo palé li ; ïo commencé boucanné pitit mouton la ; alors soleil la té commencé vlé trempé dans dio. Jesi vini rivé avec zapotes li... dret li rivé, li mandé si ïo pas encore metté couvert ? Tout din coup tout moune commencé metté main a ïo. Cila metté gamelle, cila metté plat, cila lavé coui, l'aute allé filé jambette, l'aute poté couyambouc di vin, l'aute vitement rangé banc lentour table. Quand tout fini prêt, avla ïo tous sisés lentour mangé la. Alors ïo tout en trin mangé comme ça.Bongué commencé l'ouvrir bouche palé... Zottes pas savé qui chose : avla nous tous semblés, nous qu'a pleins, vente nous bin bin, nous qu'a badiné, nous qu'a ris, nous tous qu'a palé ; hé bin, zottes pas savé, vrai, tini ïon moune dans mitan zottes qui douet trahi moé... Aye, maite ! Oh c'est toute bon vous dire parole la ? T'en prie Bonguié, di nous qui ça qui tini name noire comme ça, nous allé touyé li... Ïo tous maré mine : mandé Jesi, c'est moé oh, c'est moé ? Jesi di ïo : zottes ïo tous qu'a perde tems pour palé : n'a pas la peine cassé bouche pour ayen : cila qui qu'a metté lamain dans gamelle avec moé, c'est li meme qui va trahi moé ; mais malher pour li ! pitot mama li pas té jamais faire li !
Pendant ïo té qu'a mangé, Jesi prend pain, cassé li, séparé ba ïo tous ; di ïo... Prend li, mangé, cila sé corps moé, vous tende ?... Li prend couyambouc la outi li té metté di vin, li séparé ba ïo tous chaquin pitit quian dans coui ïo, li dire ïo : boire ça, c'est sang a moé, tendez ?... ïo tous prend li, ïo boire li. Quand ïo té fait, alors ïon zapote la (ïo té crié li Gida qui té tini chivés rouges) li metté la main dans gamelle pour prend pain ensemble avec Jesi. Jesi dire ïo... moé faire serment baye zottes : moé pas allé boire di vin encore jouque tant moé rende dans païs a moé... Aprés ïo fini palé, ïo tous chanté chanson, ïo fini, ïo tous prend chimin, ïo allé dans ïone vié savanne bandonnée longtems. Jesi dire ïo... tous zottes allé changer langage la nuit. Zottes savé bin, bettes savé parlé ; eh bin, bettes dire comme ça : si moi va baye garder moutons a zottes, tous moutons li qu'a couri tout partout, mais bientot moé va levé et moé va macé devant montré zottes chimin galilée. Mais Pierre qui pas té content... Tendé, maite, li dire, ïo toute allé tourné langage dans la nuit la ?... Li dire, comment ça ? ïo tous pé bin tourné, mais pour moé, moé pas allé jamais tourné langage. Chia... moé cila la !.. tourné la sous maite moé ! ... oh, moi pitot mouri.
Jesi gardé li, di li,... Toé meme qui qu'a faire tant vanté, avant coq chanté dés fois tant selement, toé allé dire... chia... toé pas connoitre moé. Aye, maite, comment vous capable crere ça ? moé myos mouri. Ïo tous tini meme langage la dans bouche ïo, ïo té qu'a macé toujours pitit brin, ïo rendi dans savanne la, Jesi dire ïo... Zottes retés sisés la moé qu'allé faire la prière : li dire, Pierre, Jaque, épi Jean, vini épi moé... Tout din coup li senti l'estomac faire li mal ; quier li commencé faible ; li dire... moé malade : Jaque, moé vlé mouri. Ïo dire li... Qui ça vous tini, maite ? Vous vlé vomi ? Vous vlé nous bougi dio bas vous boire ?... Li dire, non ; mais t'en prie, zottes faire guetté pour moé. Li macé encore pitit brin, li contré avec ïon moune, qui té tini zeles avec plimes, semblé zausio, qui té tini ïon coui dans main a li ; commencé metté a jounou, prié gué : Bongué, dire li comme ça, t'en prie, papa, t'en prie, n'a pas faire moé boire ça qui dans coui la ... Li voir cé trop pour li. Li pas savé resté, li vini a coté ïo, li trouvé ïo tous qu'a dromi : li crié Pierre... di li, Pierre Pierre, comment toé qu'a dromi ? Di ça comment toé pas capable veillé pitit brin pour moé ? Chia... Zottes cravattes oui ; zottes pas savé cila qui pas savé veillé quiable allé tenté li ?... Ïo frotté gié, ïo metté piment ladans, malgré ça ïo pas capables poussé dromi la allé. Jési tourné lévé, vini trouvé ïo pour derniere fois, dire ïo... eh bin, zottes dromi, vente zottes plein, pari titaler ïo qu'alé vini quiember moé ? Parole la pas té encore sorti dans bouche li, li voire moune qui té qu'a vini : li dire ïo... Avla cila qui qu'a trahi moé qui qu'a vini coté ci. Li té raison, car tout suitte avla Gida (cila moé té parlé vous qui té mette main dans gamelle avec li) qui vini avec tout plein sodas qui té faire complot avec li. Cila porté sagaille, cila porté népée, l'aute porté baton, l'aute porté fanal, ïo porté paquiet cordes, moé di vous semblé ïo vlé quiembé negre maron dans joupa. Ïo pé bouche, vini tout doucement. Jesi qui té savé qui ça qui té dans quier ïo, li allé contre ïo, li dire ïo... Qui moune ça zottes qu'a cherché ? Ïo réponde li : nous qu'a cherché Jesi Nazareth grand mouché... dire ïo, eh bin n'a pas la peine zottes allé pi loin, avla moé, c'est moé. Dret ïo tende parole la, ïo tous tombé tout plat a terre, moé di vous, trouvé mal. Li mandé ïo encore... Mais parlé moé donc, qui moune ça zottes qu'a cherché ? Ïo réponde, Jesi Nazareth... Jesi dire ïo, moé desja dire zottes avla moé, c'est moé. Ïo commencé quiembé Jési, prend corde croqué bras li, cou li, maré li, moé di vous, semblé negre maron ïo quiembé dans falaise. Pierre voire ça li dire... Oh ! Maite li voleur donc pour zottes maré li comme ça pour ayen ? Qui ça li faire zottes ? Largué, Maite li pas maron, li pas voleur. Mafouinque quiable monté dans tete li ; li hapé coutela li comme ça, moé dis vous, li tiré ïon grand coup la sous ïon valet qui té la qu'a porté fanal, coupé zoreille li net. Mais Bongué gardé Pierre, dire li... Pé bouche vous, laissé ïo faire, metté coutela la a coté vous, billet dire faut ça rivé. Ïo mené li la case Caïf, cé li qui té supérieur lannée la, cé {rature illisible} li-méme qui té dire : faut ïon moune mouri pour tous les zottes. Toutes zapotes la ïo té qu'a souive loin loin. Pierre qui té bougé dehors, parlé servante la qui té qu'a gardé la porte, dire li... T'en prie, madame, quitté moé entré. Femme la dire li... Moé vlé bin, mais n'a pas vous qui camarade nome la ïo quiembé titaler ? Pierre dire li... Chia : moé, non.
Tems la té faire fret. Valet avec sodas voir trop, trop pour ïo. Ïo limé ïon grand diffé divant porte la, ïo entouré li chauffé diffé. Pierre qui voir ça, li proché pour vini chauffé avec ïo. Pendant tems la pere supérieur té qu'a mandé Jesi qui métié li savé faire ? Jesi dire li... N'a pas la peine vous mandé moé, palé ïo tous, mandé ïo tous qui ça moé dire : moé pas serré parole, moé palé dans mitan léglise, moé palé outi toute moune semblé, dans mitan ïo tous ; mandé ïo, vous va savé. Avla ïon sergent qui té tini quiable dans tête li, levé la sous Jesi, moi di vous, mandé... Qu'o faire li réponde pere supérieur comme ça ? Li hapé ïoune lianne, piqué Jesi, moi di vous, jouque lianne la cassé : li voire ça, li ba li soufflet : Jesi dire li... moé palé mal donc ? Si moé [p]alé mal, toute moune ici tende : si moé palé parole qui dret, qu'o faire té {toé} vini batte moé pour [g]rand merci ? Ma foué té tini la main hardie oui. [C]omme Pierre té qu'a chauffé diffé, ïon soda mandé li... [tache] To pas dans complot avec nome la ? Pierre di li... Moé ! non, chia, zottes prend moé pour bin sot, souive bequié la !... Avla ïon parent Malcus (cila Pierre té coupé zoreille) di li : mais moé voire toé dans savanne bandonnée la avec li ? Pierre dire li : mafouinque vous qu'a badiné... moé ? non. Lors la coq chanté. Pierre tende li, li songé ça Jesi té dire li dans savanne la : vini miré li pléré, pléré tant, et pi li sorti.
Avla ïo faire Jesi sorti. Ïo mené li la {dans} case la outi ïo coutimé mangé mouton Paque : ïo faire li entré ladans case la : ïo dire li, si nous faire resté li longtems dans case la, li va deshonoré, nous pas savé mangé mouton ladans encore. Pilate vini outi ïo, mandé ïo qui sorte accusation ïo faire sous bequié la ? Ïo dire li... Si nous pas té trouvé li faire mal, est cé nous capables prend li mené bas vous, dis vous meme ? Pilate di ïo... Hébin zottes n'a qu'a prend li, jugé li comme zottes coutimés, moé pas capable. ïo dire li : nous memes pas savé condamn[é] li mouri.
Lors la Pilate tourné entré dans case la, crié Jesi vini outi li ; mandé li... n'a pas vous meme qui dire vous cé grand mouché jouif ? Jesi dire li comme ça... Parole vous {parlé} palé la té dans quier vous li sorti ? Ou bin c'est [d]aute moune qui palé vous ? Pilate dire li... Moé pas [j]ouif. Mais nation ou ïo toé maré, toé mené ba moé. Qui [ç]a toé faire ? Jesi dire li... Moé ? Ayen. Moé pas grand chose dans païs-ci, mais si moé té proche païs a moé ïon pitit quian selement, moé cé tini moune en pile qui té pran pati pour moé ; ïo pas été jamais voir souffrir mette la main la sous moé : mais qui ça vous vlé moé faire ? D'abord païs la outi moé, commandant pas ici. ïÏ bin fait profiter moment la pour quiembé moé. Pilate dire li : Comment toé roué donc, ou bin toé commandant ? Jesi dire li : Hé bin oui, quoué ! Avla Pilate sorti dehors, dire ïo tous qui té la : moé pas trouvé ayen pour moé condamné nome la ; zottes cusé li pour ayen : mais grand fête Paque pas loin, zottes coutimé largué ïon moune. Dans prison tini Barrabas moune voleur comme guiable ; si zottes largué li, li va tourné voleur toujours : zottes connaitre métié a li. Hé bin qui ça zottes simié, li ou bin Jesi ? Ïo tous dire : Largués Barrabas pito. Pilate voire ça ; li commencé faire ïo maré li, tayé li, tayé li, moi di vous, jouque tant tout corps a li haché coups de foüet. Jesi té tini quier, vrai. Li pas dire ni hi ni ha, li pas soufflé tant selement. N'a pas tout : ïo faire ïoune torche qui té tini piquants, metté dans tete li, pesé lasous, faire li entrer, moé di vous, jouques tant tous piquants la ïo entré dans tête Jési. Après ça ïo ramassé ïon vié torchon rouge qui té qu'a dérivé dans rue, metté la sous li ; prend ïon roseau metté dans main li. Cila vini devant li dire li : Bongué roué jouif, Bongué, et pi li craché dans visage li. L'aute vini, metté a jounou, di li agué grand mouché. L'aute vini, ba li bon coup soufflet. Ïo tous vini jouré li, rayé li ; après, ïo mené li dehors montré baye tout moune, et pi ïo dire, avla li. Quand tout moune la voir li, ïo tous commencé lévé la sous li ; dire comme ça pende li. Pilate dire ïo : Mafouinque zottes n'a qu'a pende li si zottes vlé : pour moé, moé pas vlé pende moune pour ayen, Bongué li innocent. Ïo tous dire... Dabord li dire comme ça : pour faire vanté cé li qui pitit Bongué li mérité mouri. Dabord Pilate tende ça, li tourné dans case la, mandé Jesi : outi toé sorti ? Jesi pé bouche li. Pilate tourné palé li encore, dire li : Moé palé toé, toé pé, toé pas vlé répondre moé, toé pas savé moé capable faire ïo pende toé, comme moé capable faire ïo largué toé ? Bongué dire li : chia ; to pas capable faire ayen sans permission Bongué : mais n'a pas la peine toé fair[e] vanté, n'a pas toé qui faire tout ça. Pilate té toujours qu'a débattre pour faire ïo largué Jesi : mais mafouinque cé quiable qui té qu'a tourmenté ïo. Ïo dire li : vous faire tant largué nome la, vous pas resté jamais camarade César encore.
Quand Pilate tendé parole la, li sisé la sous ïon grand chouquet : li palé jouifs, li dire ïo : avla grand mouché zottes, avla maite zottes. Aye ! zottes tini name noire oüi, pour touyé maite zottes ?... Tous jouifs répondent : Chia ! maite nous ça ! non va maite : nous simié passé César meme qui maite nous, nous pas connoitre tant maites Pilate voir trop : li largué li dans main a ïo pour ïo pende li. Ïo prend potence, baillé Jesi porté alle jouque la sous ïon morne ïo crié Calver. Quand li rendi la, ïo commencé tiré tout hagnion qui té dans corps li : ïo quitté li avec ïon pitit morceau tout déchiré, pour cacher quiou a li : ïo faire li couché la sous potence ; la ïo prend cloux, cloué mains, cloué pieds li tous les dés ensemble. Après ça ïo levé potence la tout debout, ïo fouillé ïon trou, metté en haut potence la ïon billet outi ïo té écrire Jesi Nazareth grand mouché jouif. Ïo prend dés volers, pende ïon a coté droit l'aute a gauche, li meme dans mitan. Sodas la qui té pende li, ïo commencé séparé hardes : li té tini ïoune qui té in pé miyeur passé les autes ; ïo tous vlé li, ïo joué déz pour voir cila qui té gagné li. N'a pas tout : quiable té qu'a tourmenté ïo. Ïo commencé rayé Bonguié, dire li comme ça : si to faire tan tan, qu'o faire toé pas descendre dans potence la ? Largué corps a toé. Bonguié zetté gié a li en bas, li miré mama li avec Jean, li dire ïo : Chere mama, avla pitit a vous ; pitit, avla mama vous. Dans temps la li té commencé foible, li dire : aye, soif qu'a touyé moé. Ïon sodas qui té la prend ïoune zéponge, trempé li dans fiel avec vinaigre ; li metté li dans bouche ïoune golette, bas li boire. Dret li té boire pitit quian, li laissé tête li tombé : agué... avla li mouri.
Zottes tous metté a jounou, baisé terre. Tout din coup tems la changé tout partout. Tonnerre roulé, zéclair clairé tout partout comme diffé, la porte l'église cassé, l'autel tombé crasé en miettes, la terre tremblé jouque tant jouif crere tout moune allé mouri jour la. Comme lendimain c'étoit grand fête Paque, tout jouif songé ïo dire : faut pas quitté moune comme ca dans potence jour grand fête, ça pas bon. Ïo allé outi Pilate mandé permission pour cassé jambes ïo et terré ïo. Ïo vini, ïo trouvé Jesi desja mouri tout a fait. Ïo cassé jambes les autes la. Ïo prend sagaye piquié coté Jesi, tout din coup sang avec dio sorti tout en pile. Té tini ïon moune qui té bon enfant Bonguié, qui vini outi Pilate mandé li permission terré Jési : Pilate ba ïo permission. Ïo fouillé ïon trou dans ïone roche, prend Bongué, metté ladans, entouré li avec lougan qui té senti bon trop. Ïo prend lougan, moi dis vous, épi taffia, frotté corps Jesi ; ïo prend toile maré li ladans, tourné prend ïoune gros roche, metté la sous trou la, quitté la. Mais Pilate qui té tendé dire... Jesi té dire zapotes li : moé va mouri, mais avant 3 jours moé va levé : Pilate té crere cé malice li té faire, li crere cé complot li té faire avec zapotes li pour ïo vini voler li la nouit porté allé, pour faire jouif crere cé vrai li levé, li commencé prend gardes, metté ïo veillé Jési. Mais c'étoit ayen ça : sodas qui té qu'a gardé li, ïo té beau faire bonquart, Bonguié prend chimin li dans mitan ïo tous, li allé sans personne savé outi li passé.
En ce temps-là, comme le jour de Pâques était proche, tous les prêtres juifs complotèrent pour attraper Jésus : mais ils étaient bien embarrassés. Ils avaient dit [ils disaient] : Comment ferons-nous ? Si nous le faisons tuer au moment d'une grande fête comme cela, tout le monde va s'en prendre à nous pour prendre parti en sa faveur...
Ce jour-là, Jésus était chez un béké qui avait le pian - on l'appelait Simon ; comme ils mangeaient autour d'une table, une femme vint à entrer : elle tenait à la main un grand coui plein d'un liquide qui sentait bon comme cette eau que les békés d'ordinaire mettent dans de petites bouteilles à l'intérieur de leurs poches. Ce liquide coûtait beaucoup d'argent pour sûr... La femme, dis-je, prit le liquide, le versa sur la tête de Jésus : voilà que tous les apôtres s'en prirent à la femme... venez voir ; ils la grondèrent, disant tous : pourquoi avait-elle gaspillé tant d'argent ? est-ce que ce n'aurait pas été mieux de prendre l'argent, de le partager pour les pauvres ? Jusqu'à ce que Jésus fût obligé de prendre parti pour la femme. Il leur dit ... Laissez cette pauvre femme tranquille... Pourquoi la grondez-vous ? Ce qu'elle a fait n'est donc pas bien ? Partout où vous en parlerez, vous penserez toujours à moi. Tandis qu'ils parlaient ainsi, un compagnon d'entre eux tous décida [dit] de conclure un marché avec les prêtres juifs pour attraper Jésus en les [les apôtres] rossant. Ce jour-là c'était la veille de la grande fête ; tous les apôtres dirent à Jésus... Maître où voulez-vous que nous vous cuisions l'agneau à manger le jour de Pâques ? Il leur dit : Allez en ville, vous entendez ; vous rencontrerez quelqu'un qui porte une calebasse d'eau sur la tête, vous le suivrez jusqu'à ce qu'il entre dans une maison, vous m'entendez ; vous lui demanderez... Où est le maître de maison ? Vous lui parlerez comme ceci, vous m'entendez, lui disant... Notre Maître vous fait dire : où est la salle pour qu'il mange l'agneau pascal avec ses apôtres ? Dès qu'il entendra cela, accompagnez le maître de maison pour qu'il vous montre la salle qui est toute prête. Alors vous lui direz : il faudra cuire et tenir l'agneau tout prêt. Ils discutèrent... La discussion finie, agué, ils prirent la route juste comme Jésus le leur avait dit. Quand ils arrivèrent ainsi, ils trouvèrent le béké, ils lui parlèrent, ils commencèrent à rôtir l'agneau ; alors que le soleil allait commencer à s'enfoncer dans la mer, Jésus arriva enfin avec ses apôtres. Sitôt arrivé, il leur demanda s'ils n'avaient pas encore mis le couvert ? Tout d'un coup tout le monde commença à mettre la main à la pâte. Celui-ci mit des gamelles, celui-là mit des plats, l'autre lava des couis, un autre alla affûter des couteaux, un autre porta des coyamboucs [jarres] de vin, un autre encore rangea rapidement des bancs autour de la table. Quand tout fut enfin prêt, voilà que tous s'assirent autour du repas. Alors que tous étaient en train de manger comme cela, Dieu ouvrant la bouche, se mit à parler... Vous ne savez pas quelque chose ; voilà que nous sommes tous rassemblés, nous nous gavons, notre ventre se remplit, nous plaisantons, nous rions, nous parlons tous ; hé bien, vous ne le savez pas, mais il en est un parmi vous qui doit me trahir... Aïe, Maître ! est-ce pour de bon que vous avez dit cela ? De grâce, Dieu, dites-nous qui a l'âme si noire, nous allons le tuer... leurs visages se fermèrent tous ; ils demandaient à Jésus, est-ce moi, oh, est-ce moi ? Jésus leur dit : vous perdez tous votre temps à parler : inutile de vous fatiguer la bouche pour rien ; celui qui met la main à la gamelle en même temps que moi, c'est lui précisément qui me trahira ; mais malheur à lui ! il aurait mieux valu que sa mère ne l'eût jamais enfanté !
Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, le rompit, le leur partagea en leur disant ... Prenez-le, mangez, c'est mon corps, entendez-vous ? Il prit le coyambouc où il avait mis du vin, le leur partagea, en donnant à chacun un petit peu dans son coui, et leur disant : buvez cela, car c'est mon sang, vous entendez ? Ils en prirent tous, ils en burent ; quand ils eurent fini, alors, un des apôtres (on l'appelait Judas, qui avait les cheveux roux) mit la main à la gamelle pour prendre du pain en même temps que Jésus. Jésus leur dit... Je vous en ai fait le serment : je ne boirai plus de vin jusqu'à ce que je sois arrivé dans mon pays... Après qu'ils eurent fini de parler, tous chantèrent des chansons, ils finirent, ils se mirent tous en route, ils partirent pour une vieille savane depuis longtemps abandonnée. Jésus leur dit... Vous allez tous changer de langage [me renier] cette nuit. Vous savez bien que les bêtes savent parler ; eh bien, les bêtes ont dit que si je vous donne à garder des moutons, tous les moutons se dispersent. Mais bientôt je me relèverai et je marcherai en avant, vous montrant le chemin de la Galilée. Mais Pierre qui n'était pas content... Maître, dit-il, ils vont tous te renier cette nuit-même ?... Comment cela, dit-il ? Ils peuvent bien tous te renier, mais pour moi, je ne te renierai jamais. Chia... [peuh] Moi qui suis là ! renier mon maître !... Oh, je préfère mourir. Jésus le regarda, lui disant... Toi même qui te vantes tant, avant que le coq n'ait seulement chanté deux fois, tu diras... chia [peuh]... que tu ne me connais pas. Aïe, maître, comment pouvez-vous croire cela ? Moi j'aime mieux mourir. Tous eurent les mêmes propos aux lèvres. Ils continuaient à marcher encore un peu, ils parvinrent à la savane. Jésus leur dit... restez assis ici, je vais prier : il dit : Pierre, Jacques et Jean, venez avec moi... Tout d'un coup il se mit à souffrir des entrailles, il sentit son coeur faible, il dit... Je suis malade, Jacques je vais mourir. Ils lui dirent... Qu'avez-vous, maître ? Vous voulez vomir ? Vous voulez que nous vous fassions chauffer de l'eau à boire ?... Il dit, non ; mais s'il vous plaît, veillez pour moi. Il s'éloigna encore un peu, il rencontra quelqu'un qui avait des ailes avec des plumes, qui ressemblait à un oiseau, qui tenait un coui dans ses mains ; il commença à s'agenouiller en priant : Dieu, dit-il, je vous en prie, Père, je vous en prie, ne me faites pas boire ce qui est dans ce coui !...
Il vit que c'en était trop pour lui. Il ne put pas rester, il revint auprès d'eux, il les trouva tous endormis. Il appela Pierre... lui disant, Pierre, Pierre, comment peux-tu dormir ? disant: comment ne peux-tu pas veiller un instant pour moi ? Chia [peuh], vous êtes vraiment paresseux ; ne savez-vous pas que celui qui ne sait pas veiller, le diable le tentera ?... Ils se frottèrent les yeux, y mirent du piment ; malgré tout cela, ils ne furent pas en mesure de repousser le sommeil. Jésus se leva de nouveau, venant les trouver pour la dernière fois, leur disant.. Eh bien, vous avez dormi, votre ventre est plein, je parie que tout à l'heure on viendra m'arrêter. Il n'avait pas fini de parler, qu'il vit des gens qui venaient : il leur dit... Voilà celui qui me trahit qui vient par ici. Il avait raison, car immédiatement voilà Judas (celui dont je vous ai parlé qui avait mis la main dans la gamelle avec lui) qui arriva avec quantité de soldats qui avaient monté un complot avec lui. Celui-ci portait une sagaie, celui-là une épée, l'autre un bâton, un autre une lanterne, ils portaient des cordes, vous dis-je, comme s'ils voulaient attraper un nègre marron dans son ajoupa. Ils se turent, venant tout doucement, Jésus qui savait ce qu'ils avaient dans le coeur, alla au devant d'eux, leur disant... Qui cherchez-vous ? Ils lui répondirent : nous cherchons Jésus de Nazareth, le Seigneur... Il leur dit, hé bien, inutile d'aller plus loin, me voici, c'est moi ! Dès qu'ils entendirent ces mots, ils tombèrent de tout leur long à terre, vous dis-je, se trouvant mal. Il leur redemanda... Mais dites-moi donc, qui est-ce que vous cherchez ? Ils répondirent, Jésus de Nazareth... Jésus leur dit, je vous ai déjà dit : me voici, c'est moi. Ils commencèrent à le saisir, prenant des cordes pour lui lier les bras, le cou, l'attachant, vous dis-je, comme un nègre marron attrapé sur une falaise. Pierre voyant cela dit... Oh ! son maître serait-il voleur pour qu'on l'attachât ainsi pour rien ? que vous a-t-il fait ? Lâchez-le, son maître n'est pas un marron, il n'est pas un voleur.
Ma parole, le diable lui monta à la tête, il saisit son coutelas comme ceci, vous dis-je, il allongea un grand coup à un valet qui était là à tenir une lanterne, lui coupant l'oreille net. Mais Dieu regarda Pierre, lui disant... tais-toi, laisse-les faire, rengaine ton coutelas au côté, les écritures ont dit qu'il faut que cela se produise. On l'emmena chez Caïphe, c'est lui qui était le supérieur [grand-prêtre] cette année-là, c'est lui-même qui avait dit : il faut qu'un homme meure pour tous les autres. Tous les apôtres suivaient de très loin, Pierre qui s'était déplacé à l'extérieur, parla à la servante qui gardait la porte, et lui dit... S'il vous plaît, Madame, laissez-moi d'entrer. Cette femme lui dit... Je veux bien, mais n'êtes-vous pas un des compagnons de l'homme qu'on a arrêté tout à l'heure ? Pierre lui dit... Chia [peuh] ; moi, non.
Il faisait froid. Valets et soldats virent que c'en était beaucoup trop pour eux. Ils allumèrent un grand feu devant la porte, et l'entourant s'y chauffèrent. Pierre qui vit cela, approcha pour venir se chauffer avec eux. Pendant ce temps, le Père Supérieur [grand-prêtre] demandait à Jésus quel métier il faisait d'ordinaire. Jésus lui dit... inutile de me le demander, interrogez-les, demandez-leur, à eux tous ce que j'ai dit, je n'ai pas caché mes propos, j'ai parlé au milieu de l'église, j'ai parlé là où tout le monde était assemblé, au milieu d'eux tous ; demandez-leur, vous saurez. Voilà qu'un sergent qui avait le diable dans la tête, s'en prit à Jésus, vous dis-je, lui demandant... pourquoi il répondait au Père Supérieur de cette façon ? Il saisit une liane, battit Jésus, je vous dis, jusqu'à ce que la liane se cassât ; voyant cela, il le gifla ; Jésus lui dit... J'ai donc mal parlé ? Si j'ai mal parlé, tous ici l'ont entendu ; si j'ai dit des choses justes, pourquoi en revanche viens-tu me battre ? Ma foi, c'est que tu as la main leste, oui. Comme Pierre se chauffait au feu, un soldat lui demanda : Tu n'es pas complice de cet homme ? Pierre lui dit... Moi, non, Chia [peuh], vous me prenez pour bien sot, de suivre ce béké !... Voilà qu'un parent de Malchus (celui dont Pierre avait coupé l'oreille) lui dit : Mais je t'ai vu dans la savane abandonnée avec lui ? Pierre lui dit : ma parole, vous plaisantez... Moi ! non. A ce moment là un coq chanta, Pierre l'entendit, il pensa à ce que Jésus lui avait dit dans la savane : venez le voir pleurer et pleurer tant, et il partit.
Voilà qu'on fit sortir Jésus. On le conduisit à cette maison où l'on mange d'ordinaire l'agneau pascal : on le fit entrer dans cette maison. On lui dit, si nous le faisons rester longtemps dans cette maison, il la déshonorera, nous n'y pourrons plus manger l'agneau. Pilate vint auprès d'eux, leur demandant quelle sorte d'accusation ils portaient contre le béké ? Ils lui dirent... Si nous n'avions pas trouvé qu'il avait mal agi, sommes-nous gens à vous l'amener, dites vous-même ? Pilate leur dit... Hé bien, vous n'avez qu'à le prendre pour le juger suivant vos coutumes, moi je ne puis pas. Ils lui dirent : Nous ne pouvons pas nous-mêmes le condamner à mort.
A ce moment, Pilate rentra dans la maison, fit appeler Jésus auprès de lui, lui demanda... N'as-tu pas dit toi-même que tu étais le Roi des Juifs ? Jésus lui dit... Les mots que tu viens de dire, était-ce de ton coeur qu'ils venaient ? ou bien est-ce d'autres qui te les ont dits ? Pilate lui dit : je ne suis pas juif, moi. Mais ton peuple, ils t'ont ligoté et conduit à moi. Qu'as-tu fait ? Jésus lui dit... Moi ? Rien. Je ne suis pas grand chose dans ce pays-ci, mais si j'étais ne serait-ce qu'un petit peu plus près de mon pays, j'aurais eu quantité de gens qui auraient pris parti pour moi, ils n'auraient jamais souffert qu'on portât la main sur moi : mais que veux-tu que je fasse ? D'abord, le pays où je commande n'est pas ici. Ils ont bien fait de profiter de ce moment pour m'arrêter. Pilate lui dit : comment tu es donc roi ou tu es commandant ? Jésus lui dit : Hé bien oui, quoi ! Voilà que Pilate sortit, disant à tous ceux qui étaient là : je n'ai rien trouvé pour condamner cet homme. Vous l'accusez pour rien ; mais la grande fête de Pâques n'est pas loin, vous avez l'habitude de relâcher quelqu'un. En prison, il y a Barrabas, un individu voleur comme le diable ; si vous le relâchez, il redeviendra toujours voleur ; vous connaissez sa pratique. Hé bien, que préférez-vous, lui ou Jésus ? Ils dirent tous : relâchez Barrabas plutôt.
Voyant cela, Pilate commença à le faire attacher en le battant, le battant, vous dis-je, jusqu'à ce que tout son corps fût haché de coups de fouet. Jésus avait du courage, en vérité. Il ne dit ni hi ni ha, il ne souffla même pas. Ce n'est pas tout : on fit une torque pleine d'épines, on la mit sur sa tête, en appuyant dessus, la faisant entrer, vous dis-je, jusqu'à ce que tous les piquants soient entrés dans la tête de Jésus. Ensuite on ramassa un vieux chiffon rouge qui traînait dans la rue, on le lui mit dessus ; on prit un roseau qu'on lui mit dans la main. L'un vint devant lui, lui disant : Dieu, Roi des Juifs, Dieu et puis lui cracha au visage. Un autre vint s'agenouiller, lui disant : agué, Seigneur. Un autre vint lui donner de grands soufflets. Tous vinrent l'injurier, le railler ; puis, on le conduisit dehors pour le montrer à tout le monde, et l'on dit Le voici. Quand tout le monde l'eut vu, ils commencèrent à l'attaquer, disant : pendez-le. Pilate leur dit : Ma parole, vous n'avez qu'à le pendre, si vous voulez : pour moi, je ne veux pas pendre quelqu'un sans raison, Dieu il est innocent. Ils dirent tous... D'abord il a déclaré pour se vanter que c'est lui qui est le fils de Dieu, il a mérité de mourir. Quand Pilate entendit cela, il rentra dans la maison et demanda à Jésus : D'où es-tu venu ? Jésus se tut. Pilate lui parla de nouveau, disant : Je t'ai parlé, tu t'es tu, tu n'as pas voulu me répondre, tu ne sais donc pas que je puis leur ordonner de te pendre comme je pus ordonner qu'ils te relâchent ? Dieu lui dit : Chia [peuh], tu ne peux rien faire sans la permission de Dieu ; mais inutile de te vanter, ce n'est pas toi qui as fait tout cela. Pilate s'efforçait toujours de leur faire relâcher Jésus : mais, ma parole, c'est le Diable qui les tourmentait. Ils lui dirent : Si vous relâchez cet homme, vous ne serez plus jamais l'ami de César.
Quand Pilate entendit ces mots, il s'assit sur une grosse souche : il s'adressa aux Juifs, leur disant : voilà votre Seigneur, voilà votre maître. Aïe ! Faut-il que vous ayez l'âme noire pour tuer votre maître ?... Tous les Juifs répondirent : Chia [peuh] ça, notre maître ! Il n'y aura pas de maître : nous préférons que ce soit César lui même qui soit notre maître, nous ne reconnaissons pas les maîtres que Pilate voit en plus. Il le remit entre leurs mains pour qu'ils le pendent. Ils prirent une potence, la faisant porter par Jésus jusqu'à un morne qu'ils appelaient Calvaire. Quand il y fut arrivé, ils commencèrent à lui arracher tous les haillons qu'il avait sur lui : on le laissa avec un petit lambeau tout déchiré pour cacher son derrière : on le fit allonger sur la potence ; avec des clous, on lui cloua les mains, puis les deux pieds ensemble. Ensuite, on dressa la potence toute droite, on creusa un trou, on mit au haut de la potence un écriteau où l'on avait inscrit Jésus de Nazareth, Roi des Juifs. On prit deux voleurs, on en pendit un à droite, l'autre à gauche, lui-même au milieu. Les soldats qui l'avaient pendu, commencèrent à se partager ses vêtements : il en avait un qui était un peu mieux que le reste ; tous le voulurent, ils jouèrent aux dés [ils tirèrent au sort] pour voir qui l'aurait. Ce n'est pas tout ; le diable les tourmentait. Ils commencèrent à railler Dieu, lui disant : si tu fais de la magie, pourquoi n'es-tu pas descendu de cette potence ? Délivre-toi toi-même. Dieu jeta un regard en bas, il vit sa mère et Jean, il leur dit : Chère mère, voici ton fils ; fils, voilà ta mère. A ce moment-là, il avait commencé à s'affaiblir, il dit : Aïe, je meurs de soif. Un soldat qui se trouvait là, prit une éponge, la trempa dans du fiel et du vinaigre, il la mit au bout d'une gaulette [perche] et lui donna à boire. Sitôt qu'il eut bu un peu, il laissa tomber la tête : agué... Voilà qu'il mourut. Tous à genoux, baisez le sol.
Tout d'un coup, le temps changea partout, le tonnerre gronda, les éclairs brillèrent partout comme du feu, la porte de l'église se brisa, l'autel tomba réduit en miettes, la terre trembla tant que les juifs crurent que tout le monde allait mourir ce jour-là. Comme le lendemain c'était la grande fête de Pâques, tous les juifs réfléchirent et dirent : il ne faut pas laisser comme ça des gens sur une potence un jour de grande fête, ce n'est pas bon. Ils allèrent près de Pilate lui demander la permission de leur casser les jambes et de les enterrer. Ils vinrent et trouvèrent Jésus déjà tout à fait mort. Ils cassèrent les jambes des autres, ils prirent une sagaie et piquèrent le côté de Jésus. Tout d'un coup il en sortit quantité de sang et d'eau. Il y avait quelqu'un qui était un bon enfant de Dieu, qui vint auprès de Pilate lui demander la permission d'enterrer Jésus : Pilate le leur permit. Ils creusèrent un trou dans un rocher, prirent Dieu, l'y mirent en l'enduisant d'un onguent qui sentait très bon. Ils prirent un onguent, vous dis-je, avec du tafia et frottèrent le corps de Jésus ; ils prirent une pièce de tissu et l'y enveloppèrent, retournèrent prendre une grosse roche, la mirent sur le trou, l'y laissèrent.
Mais Pilate qui avait entendu dire... que Jésus avait dit à ses apôtres : Je mourrai, mais avant trois jours je me relèverai : Pilate crut qu'il allait faire un mauvais tour, il crut qu'il avait fait un complot avec ses apôtres pour qu'ils vinssent l'enlever de nuit et faire croire aux juifs qu'il était vraiment ressuscité ; il prit des gardes et les mit à veiller Jésus. Mais ce n'était rien que tout cela : les soldats qui le gardaient, avaient beau assurer des quarts, Dieu passa au milieu d'eux tous et s'en alla sans que nul ne sût où il était passé.